Le débat sur la notion de devoir conjugal n’est pas nouveau mais il surprend encore au regard d’une récente décision de la Cour d’appel confirmée par la Cour de cassation. En effet, les juges ont prononcé un divorce aux torts exclusifs d’une femme, en raison de son refus d’avoir des relations sexuelles avec son mari.
Alors que le Code civil ne mentionne pas l’expression de devoir conjugal ni même d’obligation de relations sexuelles entre époux, la jurisprudence continue d’interpréter les dispositions du Code civil dans ce sens.
Qu’est-ce que le devoir conjugal ? Que dit la loi et la jurisprudence ? Faisons le point.
Ce que dit le Code civil sur le devoir conjugal
Le Code civil se prononce sur les obligations des époux dans le cadre du mariage. En effet, selon les dispositions du Code civil, les époux doivent notamment vivre ensemble, se soutenir face aux épreuves de la vie et se porter un respect réciproque.
Dans ce sens l’article 212 du Code civil énonce que : “ Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance.”
De même, l’article 215 du Code civil énoncent que : “ Les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie.”
Ce que dit la jurisprudence sur le devoir conjugal
C’est en s’appuyant sur ces textes, que les juridictions saisies, statuent en défaveur du conjoint s’étant refusé à son époux.
Aussi, les juges interprètent la “ communauté de vie ” mentionnée à l’article 215 du Code civil comme une “ communauté de toit et de lit ” constituant le devoir conjugal.
Bien que cette interprétation soit parfois jugée “ moyenâgeuse ”, plusieurs jurisprudences la confirment.
Dans ce sens, un arrêt du 3 mai 2011 rendu par la Cour d’appel de Versailles condamnait un mari à des dommages et intérêts d’un montant de 10 000 euros en raison d’absence de relations sexuelles pendant plusieurs années de mariage.
L’abstinence est-elle un motif de divorce ?
Parmi les quatre formes de divorce prévues par le Code civil (le consentement mutuel ; le divorce accepté ; l’altération du lien conjugal ; la faute), le divorce pour faute peut être “ demandé par l’un des époux lorsque des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune. ”
D’après la jurisprudence, la faute peut notamment être constituée par les violences conjugales, l’abandon de domicile, l’adultère ou encore par l’absence de relations sexuelles entre époux.
En effet, en 2019, la Cour d’appel de Versailles confirmée par la Cour de cassation, prononçait le divorce aux tort exclusifs d’une femme de 66 ans qui refusait d’avoir des relations sexuelles avec son mari.
Interdiction de viols entre conjoints et devoir conjugal
Le débat sur l’existence de la notion de devoir conjugal est relancé au regard des dispositions du Code pénal qui prévoient aux termes de l’article 222-22 alinéa 2 que :
“ Les viols et les autres agressions sexuelles ” peuvent être “ constitués (…) quelle que soit la nature des relations existant entre l’agresseur et sa victime, y compris s’ils sont unis par les liens du mariage.”
Le Code pénal précise donc que les relations sexuelles entre époux doivent être consenties, or, si les rapports sexuels relèvent avant tout d’une obligation juridique en vertu d’un devoir conjugal, le droit au consentement des époux semble neutralisé par ce même devoir.
Le débat reste entier et la dernière décision de la Cour de cassation ayant prononcé le divorce aux torts exclusifs de l’épouse qui n’avait plus de relations sexuelles avec son époux, fait actuellement l’objet d’un recours devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) pour violation des articles 4 de la CEDH selon lequel “ nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude ” et l’article 8 de la CEDH mentionnant le “ droit au respect de sa vie privée et familiale ”.
Affaire à suivre…
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Sources :
- article 212 du Code civil
- article 215 du Code civil
- article 222-22 alinéa 2 Code pénal
- article 4 CEDH
- article 8 CEDH