Est-ce que dés lors qu’un salarié s’ennuie au travail, il peut poursuivre son employeur en justice pour une situation de bore out ? Telle est la question qui a été posée à la Cour d’appel de Paris.
Avant de voir en détail le jugement du 2 juin 2020 sur la reconnaissance du bore out comme une forme d’harcèlement moral, il faut rappeler que l’employeur a l’obligation, en application des dispositions de l’article L4121-2 du Code du travail, « de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Selon aussi l’article L1152-1 du Code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnelle ».
Qu’est ce que le bore-out ?
On connaît le burn out qui se définit comme un syndrome d’épuisement émotionnel et mental lié à une surcharge de travail. A l’inverse, le bore out est un état de lassitude extrême suite à un sentiment d’ennui au travail par un manque de tâches confiées ou par la réalisation de tâches en inadéquation avec les compétences du salarié. Le bore out comme le burn out provoque une altération de la santé physique et mentale du salarié. Le point commun donc entre le burn out et le bore out est qu’ils ont pour conséquence la dépression du salarié.
Jusqu’au 2 juin 2020, aucune décision de justice ne faisait référence clairement au bore out. Les juges s’étaient déjà prononcés en mars 2016 sur une affaire de « placadisation » d’un salarié. Ils avaient reconnu le fait qu’il avait subi un harcèlement moral.
Une reconnaissance judiciaire de la situation de bore-out ?
Pour la première fois, un arrêt de la Cour d’appel de Paris rendu le 2 juin 2020 a condamné un employeur à verser plus de 50.000 euros à l’un de ses anciens salariés ayant subi un « bore out ».
Dans les faits, le salarié est responsable des services généraux de son entreprise mais depuis plusieurs années, il sent son travail dévalorisé. En dépit de nombreuses demandes d’évolution de son poste auprès de son employeur, il n’obtient pas de nouvelles responsabilités. Pire, la direction lui retire des missions sur lesquelles il avait été embauché.
Après un accident de voiture suite à une crise d’épilepsie provoquée par son stress au travail, il se retrouve en arrêt maladie pendant 6 mois. A son retour, il est licencié au motif que son absence prolongée a provoqué une forte perturbation du bon fonctionnement de l’entreprise nécessitant son remplacement définitif. Il saisit la justice.
En 2018, devant le conseil des prud’hommes, il obtient la nullité de son licenciement et obtient 30 000 euros de dommages et intérêts pour « harcèlement moral provoqué par une pratique de mise à l’écart et à l’affection à des travaux subalternes ». Non satisfait de cette décision dans laquelle le juge ne reconnait pas le bore out comme une forme d’harcèlement moral, il fait appel du jugement.
Se basant sur les nombreuses preuves apportées par l’ex-salarié (témoignages d’anciens collègues, écrit, note de services), la Cour d’appel de Paris lui donne raison en reconnaissant que « le manque d’activité et l’ennui » a conduit à la dégradation de son état de santé. Dans leur arrêt, les juges emploient pour la première fois le concept de bore out.
La juridiction considère aussi que « l’employeur peine à démontrer la matérialité des tâches ainsi confiées, puisqu’il se borne à invoquer un rôle de validation de 231 factures par ce dernier entre le 1er janvier 2012 et le 16 mars 2014 et un rôle d’interface en cas de problème technique entre la société et le prestataire compétent, sans préciser de quels chantiers M. A aurait eu précisément la charge ou produire les factures ainsi validées ».
Cet arrêt de la cour d’appel de Paris ouvre une reconnaissance officielle du bore-out par la justice française.
De nombreux salariés s’estimant victime de bore out pourront saisir les juges pour obtenir réparation. Si vous avez besoin d’un accompagnement juridique, nous vous invitons à contacter Maître Valérie Dubois.